Le P’tit Domaine (Richard Desouche) à Varrains

Richard Desouche est un homme occupé: il faut donc s’armer de patience pour le rencontrer. Outre le P’tit Domaine, son domaine, il travaille également à 80% de son temps pour le Clos Rougeard, où il s’occupe principalement de la conduite des vignes depuis un an et demi, mais a aussi droit de cité sur les vinifications, comme ses autres collègues, après avoir présidé aux destinées du Château de Chaintres pendant une dizaine d’années. Ajoutez à cela qu’il est également très investi dans le Syndicat des producteurs où il milite pour la reconnaissance des 9 villages de l’appellation Saumur-Champigny et de leurs terroirs respectifs sur un modèle bourguignon, et vous constaterez que le bonhomme ne doit effectivement pas s’ennuyer!
Malgré cela, il m’a accueilli avec beaucoup de gentillesse et de bienveillance, et le moment passé en sa compagnie a été tout à fait délicieux. Dans la mesure où nous nous sommes rencontré en début de soirée cet automne, après le travail, il n’a pas été possible d’aller dans les vignes, je ne vous posterai donc pas de photos du vignoble.

Historique

Richard s’installe dans la région en 1990 car il a épousé une locale et débute dans le vin en 2002 en tant que salarié d’une maison de négoce de Saumur puis chez Didiez Sanzay, son beau-frère (Antoine Sanzay est donc son cousin, le monde est petit!) puis démarre sa propre aventure en 2006 avec 60 ares de chenin (Entre deux Voyes) et 40 ares de cabernet franc (Bois Blancs) sur le village de Dampierre.

Il commence en conventionnel avant de débuter le travail des sols en 2007, ce qui lui permet d’arrêter immédiatement l’utilisation d’herbicides. En 2009, passe en agriculture biologique non contrôlée, avant d’entamer la conversion officiellement l’année suivante, pour un premier millésime certifié en 2013 donc (la conversion prend 3 ans avant d’être validée par les organismes officiels)
Les années 2010 et 2011 voient également le P’tit Domaine s’étendre, puisque Richard augmente grandement sa surface de cabernet franc avec notamment l’acquisition de 55 ares sur le terroir de Bonnevaux et 40 ares de plus sur Bois Blancs, ainsi que 50 ares sur Lumois, avant d’acheter en 2016 le Clos Lintier (1,7 ha entièrement clos de murs, à la manière des autres célèbres clos des environs, un des plus grands) et 25 ares sur un autre terroir, ce qui lui permettra à terme, après remise en état du patrimoine de vignes du Clos Lintier, de disposer de 4,5 de vignes.
Ce dernier possède en effet une partie haute dotée de très vieilles vignes (plus que centenaires selon Richard) qu’il conserve en l’état et avec lesquelles il produit les premiers millésimes de Clos Lintier (1 barrique seulement sur 2016 et 2017!). Le reste de la parcelle est doté de vignes plus jeunes (de 40 à 50 ans, mais en assez mauvais état. Richard veut donc rapidement opérer une sélection massale sur les pieds restants avec l’aide d’un pépiniériste du coin. A noter que cette dernière s’opérera de manière « négative », contrairement à la méthode généralement adoptée « positive », consistant à ne sélectionner que les meilleurs individus d’un pool de vignes donné. Richard souhaite ici cloner presque tous les ceps qu’il souhaite remplacer avant arrachage, avant des les réintroduire à l’identique lorsqu’il va replanter. Il souhaite en effet préserver au maximum la diversité génétique de ses vignes et travailler sur un matériel végétal identique à celui planté par les anciens.
Il dispose désormais d’un joli chai climatisé/chauffé construit au dessus d’une ancienne cave de tuffeau qu’il est en train de finir d’aménager. Ses bouteilles y seront bien pour vieillir avant de quitter le domaine!

Le vignoble

Les vignes sont réparties sur 4 secteurs:

  • Bois Blanc et Les Bonnevaux sont sur Varrains
  • Entre deux Voyes est sur Dampierre
  •  Le Clos Lintier est sur Champigny
  • Lumois

En termes de sols:

  • Entre deux Voyes est sur un sol argilo-calcaire et graves
  • Bois Blanc est sur un sol argilo-calcaire
  • Les Bonneveaux est un terroir de type « bâtard Poyeux » comme se plait à le désigner Richard, c’est à dire jumeau des célèbres Poyeux: même pente, même orientation et sol identique, argilo-calcaire très siliceux, avec un socle calcaire.
  • Clos Lintier quant à lui possède un sol sablonneux peu profond avec une roche mère calcaire sous-jacente très proche

Sur ses parcelles, les vignes sont espacées de 1,7 à 1,8m, avec un petit hectare à 2m. A titre personnel, Richard pense que l’espacement idéal est de 1,85m, précepte qu’il va donc certainement appliquer lors de la replantation du Clos Lintier. la taille pratiquée est le guyot simple ou val de Loire (censée être moins traumatisante pour la vigne, améliorer les flux de sève et donc limiter la survenue de maladies du bois) , avec palissage 4 fils.

Travail à la vigne

Il fait appel à un prestataire de confiance qui connaît depuis un certain temps désormais ses exigences. Ce dernier effectue donc notamment la taille, l’ébourgeonnage etc, en bref les travaux manuels qu’il ne peut se permettre de réaliser seul, Richard effectuant pour sa part les travaux mécanisés (travail des sols, rognage…) et bien évidemment les vinifications.
Les traitements sont bien entendu réduits au minimum nécessaire, avec uniquement du cuivre et du soufre, comme l’exige le cahier des charges de l’agriculture biologique.

Vinifications

A la cave, Richard pratique l’éraflage total, avec ajout de 3-4g/hl de soufre à l’encuvage. Selon lui, ces doses minimes sont digérées par les levures de manière complète et ne se retrouvent plus à l’analyse une fois les fermentations terminées. Elles lui permettent en outre de sécuriser le début de vinification et d’éviter la survenue d’accidents… à la mise il ajoute 4-5g/hl de soufre total dans les rouges ce qui conduit à un taux de soufre libre compris entre 16 et 25 mg/l une fois le vin en bouteille. A noter que ses blancs ayant tendance à l’oxydation, il les soufre légèrement plus afin d’éviter toute déviance.
Richard produit désormais 5 cuvées, dont 4 d’élevage en barriques (Vicard, chauffe douce)

Le pressoir de Richard

Les 5 barriques d’Entre Deux Voyes

A droite, la barrique de Clos Lintier, en Compagnie des Bonneveaux

Les vins

  • Le Coup d’Douze (depuis 2012 d’où le nom) est un assemblage des diverses parcelles du domaine avec élevage en cuve résine d’environ 1 an (Richard envisage l’achat de cuves béton prochainement) , c’est un vin de copains à boire jeune qui permet donc d’attendre ses vins d’élevage. Le 2016 est encore légèrement réduit, avec un nez gourmand marqué par le cassis, une bouche droite emprunte d’une belle gourmandise grâce à un fruit très pur, une belle droiture et une longueur tout à fait honorable pour un vin de ce prix.

Les autres vins sont des parcellaires, issues des parcelles éponymes donc, élevés 2 ans en barriques Vicard, chauffe douce)

  • Bois Blanc (parcellaire) = cuvée domaine en barriques de 2/3/4 vins. Le 2011, issu d’un millésime ligérien classique, présente plus de chair et de rondeur que le 2012 goûté en parallèle, le rendant en ce moment plus accessible.
  • Les Bonneveaux en barriques d’1 vin. Le 2014 est encore bien trop jeune, mais on franchit ici clairement un cap par rapport à la cuvée domaine, la classe du terroir dont il est issu s’exprime pleinement: on gagne en profondeur, en volume, en longueur… Si on reste sur un style similaire, le vin a « un peu plus de tout », et toujours cette belle fraîcheur dans un superbe millésime. Il faudra malgré tout l’attendre quelques années, car les tanins sont encore un peu fougueux malgré leur finesse exemplaire) et l’élevage mérite de se fondre encore un peu.
  • Les Bonneveaux 2010 permet de se rendre compte des bienfaits du vieillissement sur cette cuvée: le toucher de bouche est simplement somptueux, on boit de la soie, rien ne dépasse de cette superbe harmonie: tanins presque fondus, élevage parfaitement intégré qui souligne superbement le fruit, j’ai adoré, mais il n’y en a malheureusement plus à vendre…
  • Clos Lintier en bois neuf. 2016 (une seule barrique!) est peu marqué par le bois neuf alors que l’élevage touche à sa fin (mise pour très bientôt) , ce qui indique bien que la chauffe des barriques achetées par Richard est très raisonnable. Les tanins sont encore saillants évidemment, mais la pureté de fruit et la précision du vin sont absolument remarquables! Dans quelques années tout ceci devrait être très beau. Seules 300 bouteilles seront produites, et il va falloir jouer des coudes pour en avoir, mais pas d’urgence car Richard ne prévoit pas de les libérer avant un bonne année.
  • Entre deux Voyes fait sa fermentation et son élevage en barrique, avec un faible pourcentage de bois neuf (exemple en 2018: 2 barriques neuves, une de 1 vin, une de 2 vins et une de 3 vins). Le 2016 est un vin au nez exubérant encore un peu marqué par son élevage, comme la bouche, mais se montre tendu, vif, très chenin d’Anjou, grande pureté de fruit, agrumes, pomme, pas d’oxydation, grand volume, belle longueur, remarquable!

Les vins présentent tous une belle fraîcheur (qui selon Richard est la résultante du travail des sols et de l’agriculture biologique) et une précision remarquable. La gamme de Richard me semble tout à fait cohérente dans sa progression, et le RQP est assez bluffant au vu de la tenue de l’ensemble de ce que j’ai goûté.

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