Le Domaine Heitz-Lochardet à Chassagne-Montrachet
Armand Heitz nous reçoit dans la jolie maison familiale de Chassagne-Montrachet, dans laquelle il est en train d’achever l’aménagement d’une petite salle de dégustation fort agréable. Depuis le début, le domaine est mené en biodynamie.
Historique
Le domaine Heitz-Lochardet a été recrée en 2013, date du premier millésime. il s’agit d’une vieille famille bourguignonne qui n’a pas forcément de fortes racines vigneronnes et dont les vignes ont été laissées en fermage/métayage pendant deux générations. Armand, œnologue formé en Suisse et agronome, a souhaité reprendre les terres familiales il y a quelques années afin de monter un nouveau domaine sur ce superbe parcellaire. Il y a de fait eu un gros travail familial à faire afin de fédérer tout le monde et éviter le morcellement des terres, chose fréquente en Bourgogne.
Armand est avant tout un « terroiriste », un amoureux du terroir et des sols, il est fasciné par l’influence de ces derniers sur les vins qu’ils produisent. Le domaine, comme beaucoup en Bourgogne, est constitué de nombreuses petites parcelles sur diverses appellations.
Il a commencé à partir de 2012 à se faire la main sur des parcelle de Bourgogne rouge et blanc, avant d’attaquer les appellations plus prestigieuses du domaine en 2013.
De 7 ha, le domaine est passé en 2017 à 18 ha grâce à des parcelles appartenant au grand-père dans les bas de Pommard, qu’ Armand a replantées. Ces dernières se divisent en Bourgogne rouge et blanc classiques, mais aussi en coteaux bourguignons sur lesquels Armand a planté du sauvignon, cépage qu’il affectionne particulièrement, et du pinot gris, les deux sur des parcelles hors appellation bien sûr. Il faut en effet savoir que le pinot gris, s’il est originaire de Bourgogne, est interdit par l’INAO, qui n’en est plus à une incohérence près, sur les appellations locales.
Actuellement, 70% de la production part à l’export, pourcentage qu’Armand veut diminuer en travaillant le marché français.
Comme si cela ne lui suffisait pas, Armand travaille également sur d’autres projets. En 2017, il a produit la cuvée Connivence avec un de ses amis du Beaujolais (Alex Foillard). C’est un assemblage original de gamay et pinot noir doté d’un certain charme! Il pense réitérer annuellement cet exercice avec des vignerons différents.
Il est également en train de finaliser l’achat d’un domaine sur Juliénas. En 2017, il a acheté 50 hl de vin au domaine pour en finir l’élevage et voir ce qu’il peut tirer de ses terroirs. Sur 2018 il achètera les raisins et en 2019 si tout va bien, il produira le vin de A à Z.
Armand n’est enfin pas opposé à grossir encore, en fonction des opportunités qui se présenteront.
Le travail des vignes
Sur les parcelles replantées par ses soins, nous sommes à 10000 pieds/ha (1m x 1m) en premiers crus sur les coteaux. Pour les villages et régionaux, on est à 220×90, car les vignes sont en bas de coteau, sur des sols plus argileux et qui ressuient moins bien. Cette densité lui a permis d’acheter un tracteur meilleur marché que les enjambeurs traditionnels utilisés dans les plantations plus serrées. cala lui permet également de mieux gérer l’enherbement et donc de moins tasser les sols avec ledit tracteur, ainsi que d’avoir une zone fructifère plus faute sur ses ceps, limitant donc les attaques de parasites issues du sol. C’est d’ailleurs un de ses axes de recherches privilégiés à l’heure actuelle: la gestion de l’enherbement sur des densités de plantation faibles.
Les vinifications
Armand pratique la vinification en vendange entière et sulfite légèrement à la vendange car il trouve que cela améliore la qualité de l’extraction.
Pour les blancs, il aime enchaîner rapidement les deux fermentations et sulfite donc très peu à ce moment là.
Les macérations sont courtes et se déroulent à froid, ce qui est important, surtout en vendange entière afin de ne pas extraire les mauvais arômes de la rafle. Il est plus dans l’esprit d’une infusion que d’une extraction.
En tant qu’œnologue, il avoue préférer faire confiance à une souche de levure neutre sélectionnée en laboratoire plutôt qu’aux levures indigènes dont la variabilité lu paraît trop grande, ce qui n’entre pas dans la notion de reflet transparent du terroir qu’il veut donner à ses vins.
Par la suite, seul un second léger sulfitage est pratiqué à la mise.
Au niveau des élevages, là encore Armand essaie de privilégier l’expression du terroir, et n’utilise pas plus de 30% de bois neuf avec des chauffes longues et faibles.
Les vins sont filtrés légèrement afin de favoriser fraîcheur et précision aromatique. Il est notamment très satisfait du gain qu’il constate sur les pinots à ce niveau. Par ailleurs, les élevages sont plus courts qu’ailleurs (mise avant la vendange), et la sédimentation est donc plus courte. La filtration permet également de corriger ce problème, évitant d’avoir des vins troubles.
Les vins
Les rouges (goûtés sur 2017)
- Connivence: original avec son assemblage de Pinot et de Gamay. Sympa à découvrir.
- Chassagne-Montrachet 1er Cru Morgeot: issu du lieu dit Francemont, à mi-pente de la bosse qui s’adoucit avant de remonter sur le coteau de Santenay. Le sol est caillouteux et peu profond. L’élevage est très peu perceptible et les tanins sont déjà bien intégrés. Bonne longueur, une bonne entrée en matière.
- Pommard 1er Cru Clos des Poutures Monopole: parcelle de bas de coteau, sol clair, riche en fer et caillouteux, peu profond et bien drainant. C’est très pur et déjà étonnamment accessible. De l’essence de pinot, cerise et épices, tanins fondus. Délicieux en ce moment! J’aime beaucoup cette interprétation pure et assez « légère » d’un pommard.
- Pommard 1er Cru Les Pézerolles: parcelle de milieu de coteau, dotée d’une belle exposition. l’équilibre entre les différents composants du sol est ici remarquable entre argile, limons et cailloux. Un des plus beaux terroirs de Pommard selon Armand. C’est plus dense et charpenté que Poutures, les tanins sont plus perceptibles et le vin se destine plus clairement à la garde.
- Pommard 1er Cru Les Rugiens: Si sur le bas des Rugiens, le sol et l’orientation se rapprochent sensiblement de Pézerolles, d’ailleurs tout proche, le sol de cette parcelle qui elle est située sur le haut des Rugiens diffère complètement. On est ici sur un sol caillouteux et clair, qui produit des vins taillés pour la garde. Les tanins sont ici nombreux mais fins et le vin est concentré et serré. La vendange entière se fait sentir et la trame acide est belle. Il a tous les ingrédients pour vieillir harmonieusement et faire une très belle bouteille d’ici quelques années.
- Volnay 1er Cru Les Taillepieds: le sol est semblable aux Rugiens. On est sur la partie médiane-haute du coteau, mais pas tout en haut non plus. C’est l’endroit où l’équilibre des sols est le meilleur, un peut comme à Chassagne.
Les vins blancs (goûtés sur 2017)
- Aligoté Ostinato Rigore: nommé suivant le principe léonardien. C’est pas mal, un peu court mais sympathique
- Bourgogne: On grime ici d’un cran, un Chardo vif et tendu, agrumes, c’est déjà très bon pour un générique, j’aime bien
- Meursault Village La Barre: sol caillouteux, peu profond avec pas mal d’argile. On monte clairement d’un cran, le vin a plus de chair et de gras. La longueur est déjà correcte.
- Meursault Village Les Gruyaches: sol foncé, profond et argileux situé au sud de l’appellation. C’est un terroir assez humide qui ressuie moyennement, ce qui donne de la fraîcheur et de la pureté aux vins qui en sont issus. Le nez est pur, plus tendu que sur La Barre, mais en bouche le vin semble avoir plus de profondeur que ce dernier. C’est plus long que large, plus vif aussi.
- Chassagne-Montrachet 1er Cru Morgeot: issu de la parcelle les Petits Clos, argileuse sur le bas et plus caillouteuse sur le haut. C’est très bon, du volume, le la longueur, de l’équilibre: une certaine idée de la classe.
- Chassage-Montrachet 1er Cru Tête de Clos: (sur Morgeot également) issu d’un haut de coteau planté de très vieilles vignes bien conservées. Le sol est très caillouteux et peu profond. On monte d’un cran par rapport aux Petits Clos. Le nez est très beau, mêlant dans une belle complexité agrumes et fruits blancs. En bouche, on a une grosse matière, du volume, de la tension. Même si le vin semble encore dissocié en l’état et l’élevage pas encore intégré, nul doute que cela va donner une grande bouteille à terme.
- Chassagne-Montrachet 1er cru La Maltroie: Cette parcelle se situe dans le village, sur un sol assez argileux mais peu profond, la roche mère est proche. Il présente une belle longueur mais manque peut être un poil de tension pour une gueule à chenin comme moi. C’est cependant d’un très bel équilibre entre fruit jaune et agrumes avec une grande élegance et une longueur superlative. Ce sera certainement très beau
- Chassagne Montrachet 1er Cru Les Chenevottes: parcelle située au nord du village, sur un climat typique de l’appellation. Pas mal de caillou, argileux, lourd, riche en fer. Semblable à la barre.
- Meursault 1er Cru Perrières: S’il est encore assez fermé, il a déjà tout pour lui. C’est droit, tendu, précis, tout en délicatesse sur les fleurs et les fruits blancs. Très belle minéralité et longueur remarquable. La classe.
Cette visite nous a permis de découvrir un jeune domaine et un vigneron ambitieux dont les vins sont malheureusement encore trop peu connus en France car une grosse proportion du volume produit part à l’export. Conscient du problème, Armand essaie de se recentrer en partie sur le marché français depuis cette année. Au vu de la qualité des vins, nul doute que d’ici quelques années ce domaine fera partie des grands du secteur!
- Le Domaine Sylvain Pataille à Marsannay-La-Côte
- Le Domaine Morey-Coffinet à Chassagne-Montrachet