Le domaine Michèle et Patrice Rion à Premeaux-Prissey

Historique

Le domaine Michèle et Patrice Rion est situé sur Premeaux-Prissey et possède des vignes sur les appellations Nuits-Saint-Georges et Chambolle-Musigny. Des vignes de Vosne-Romanée, venant du père de Patrice, devraient s’y ajouter d’ici un an ou deux.
6 hectares sont actuellement en production, auxquels s’ajoutent des achats de raisins sur les appellations régionales. Patrice et son fils préfèrent acheter des raisins plutôt que des moûts car ils tiennent absolument à trier eux-mêmes: ils possèdent une table de tri moderne et innovante qui leur permet de ne garder que les raisins les plus qualitatifs au prix d’une perte de rendement de l’ordre de 10 à 15%.
Le domaine produit de 50000 à 60000 bouteilles par an dont 80% partent à l’export principalement vers l’Europe du nord et l’Asie. Le marché américain, historiquement important pour le domaine, est actuellement en régression du fait des taxes Trump, mais le Canada marche bien par contre. En France, les vins partent pour 2/3 à la restauration gastronomique et pour 1/3 aux particuliers. Peu de distribution chez les cavistes donc, ce qui explique la relative confidentialité du domaine, où 5 personnes travaillent à temps plein.

Travail à la vigne

Les densités sont classiques pour la Bourgogne: environ 10000 pieds/ha, surtout en vieilles vignes. Patrice anticipe donc les replantations à venir depuis une dizaine d’années, mais les clones du commerce ne lui conviennent pas forcément. Il constate régulièrement que les vignes issues de telles plantes sont déjà infestées de virus à une trentaine d’années, et qu’elle ne produisent plus correctement, tant en termes qualitatifs que quantitatifs. Son fils et lui essaient donc depuis lors de mettre en place une sélection massale poussée issue de leur propre patrimoine. Ils ont commencé par le Clos Saint-Marc en prélevant des greffons sur une centaine de pieds jugés intéressants. Les échantillons ont ensuite été analysés en laboratoire afin de déterminer les plus prometteurs, et seuls deux se sont révélés suffisamment qualitatifs, soit un taux de réussite très faible. L’expérience a donc été réitérée sur Les Charmes, avec cette fois-ci une vingtaines de pieds retenus.
Pour terminer, une sélection similaire a été opérée sur les vignes du père de Patrice, sur une parcelle qui avait déjà été plantée à l’époque avec une massale il y a 80 ans. Le taux de réussite a cette fois été de l’ordre de 70%, prouvant la qualité exceptionnelle de ces vieilles vignes. Au final, le domaine a pu se constituer un jardin de plus de 300 pieds mère, avec 2 massales du Clos Saint-Marc, quelques unes des Charmes et l’essentiel donc en provenance des vieilles vignes du père de Patrice. Ce pool génétique semble tout à fait suffisant pour assurer la pérennité et la diversité génétique des parcelle du domaine.

30 ares ont déjà été plantées aux Argilières, et cette année, Patrice et son fils vont replanter 1 hectare de Bourgogne sur une parcelle achetée il y a quelques années puis laissée au repos, rénovée au niveau du sol et préparée pour cette replantation via des semis de plantes sources de compost et décomposition de bois de tailles.
Les tailles se font assez tard, en janvier, afin d’éviter que l’humidité de l’automne ne pénètre les plaies de taille. les inter-rangs sont ensemencés avec des plantes sélectionnées pour ne pas trop concurrencer la vigne, maintenir l’humidité du sol l’été, le structurer et assurer un apport de matière organique équilibré. Trèfle souterrain, pâturin et lotier ont notamment la part belle, pour une proportion de 80% de légumineuse et 20% d’herbacées. Si Patrice préfère semer son couvert végétal, c’est qu’il juge que la flore endémique spontanée ne cohabite pas forcément bien avec la vigne.
Les amendements sont eux réalisés à partir de déchets de scierie notamment, avec des bois tendres qui vont bien se décomposer. Ils sont apportés tôt, en novembre généralement, afin qu’ils soient digérés au moment de la reprise végétative de la vigne.
Si les inter-rangs sont donc enherbés, les sols sont par contre travaillés sous le rang, environ 5 fois par an. En saison, 3 à 4 tontes sont réalisées avec des tracteurs légers afin de limiter le tassement des sols.
Patrice constate de plus une meilleure symbiose entre les rhizomes des semis et les racines de la vigne. Cette dernière puise plus d’énergie solaire par sa surface foliaire augmentée et est obligée en parallèle de travailler avec les plantes issues de semis pour puiser ses nutriments.
L’effeuillage est réalisé côté nord, et les entrecoeurs également ôtés.
Les rognages se font plus haut qu’à l’accoutumée dans la région: 1,5m. Ce choix présente l’avantage de donner plus de surface foliaire à la plante et permet de plus de laisser monter les semis un peu plus haut.
Les rendements sont de l’ordre de 28 à 32 hl/ha sur les derniers millésimes, 35 sur 2017.

Travail au chai

Le cuvier héberge 16 cuves, une par climat/cuvée. L’embouteillage est réalisé par le domaine, avec un groupe moderne permettant notamment de remplacer l’air ambiant dans la bouteille par un gaz neutre à la mise.

Les vinifs se font sans soufre, grâce à un biocontrôle efficace: des levures « gendarmes » neutres sont utilisée dès la table de tri jusqu’au tout début de fermentation pour dégrader les nutriments consommés par les levures indésirables (bretts etc) en leur lieu et place. Elles meurent ensuite au bout de 2 à 3 jours de fermentation alcoolique en ne laissant aucune trace, et les levures indigènes reprennent alors leur travail afin d’achever les fermentations alcoolique et malolactique. Ces levures gendarmes favorisent par ailleurs également un déroulement optimal de la fermentation malolactique par la suite.

Le seul sulfitage intervient l’été suivant la vendange, quand les températures montent, afin de garantir la stabilité des vins. Patrice vise d’ailleurs de plus en plus à limiter les quantités de soufre. Il a d’ailleurs récemment fait un essai sans soufre sur un Hautes-Côtes-de-Beaune qui lui a paru tout à fait satisfaisant.

Les macérations durent généralement 4 jours avec un ou deux remontages puis les fermentations en levures indigènes se déroulent généralement sur 3 semaines, avec 1 à 2 pigeages par jour. La thermorégulation permet de maintenir les vins sous 32°. Les fermentations se déroulent généralement à 27-28°. On laisse alors sédimenter les jus en cuve sur une semaine avant de soutirer puis d’entonner par gravité au niveau inférieur du chai quand le niveau de tanin est jugé satisfaisant.

Concernant la futaille, Patrice fait confiance à 3 tonneliers sans préférence particulière: Gauthier, Raymond et François. Les proportions de bois neuf sur les crus et les villages est de l’ordre de 20%, tandis qu’il est nul sur les génériques.

En 2018, le domaine a acheté un pressoir champenois (Coquard) qui présente l’avantage par rapport à un pressoir traditionnel d’obtenir des jus très clairs, sans bourbes. Il est utilisé principalement pour les blancs.

Il n’y a pas de règles particulières concernant le collage et la filtration, utilisés parcimonieusement au cas par cas.

Les vins

  • Bourgogne rouge 2017: issu d’achat de raisin à un voisin sur un terroir bien situé, en regard du cône de déjection de Chambolle. La profondeur du sol, plutôt argilo-sableux, varie de 1m à 1,80m.
    C’est un vin aromatique, sur le fruit, très pinot, doté d’une belle gourmandise. Belle entrée en matière.
  • Bourgogne rouge 2017 sans soufre: provient du même terroir, filtré à 1 micron. le vin est plus exubérant, plus détendu, et ne présente pas la petite dureté actuelle de son alter-ego classique. C’est dans l’immédiat bien droit et plus accessible en jeunesse.
  • Côtes-de-Nuits villages 2017: achat de raisin à un cousin qui leur vend 1 ha de raisin par an. Les vignes (55 ans de moyenne) sont situées à Comblanchien, bien placées en milieu de coteau à proximité immédiate du Clos de la Maréchale. Le sol est léger, peu argileux, plutôt sableux avec pas mal de calcaire. On change ici de catégorie, c’est plus rond et soyeux, avec un volume déjà important. Beaucoup de croquant et de pureté aromatique, c’est déjà délicieux.
  • Côtes-de-Nuits villages vieilles vignes 2017: issu en partie de vignes en propre (30 ares) mais également d’achat de raisins. Lorsque les vignes de son père seront intégrées au domaine, la surface passera à 1ha. Les parcelles sont situées derrière chez Gouges, sur le lieu dit Les Plateaux, au pied de la colline, à mi-coteau. la profondeur d’argile est plus importante. On gagne ici en profondeur ce qu’on perd en immédiateté. Un vin bâti pour la garde
  • Nuits-Saint-Georges premier cru Clos des Argilières 2017: 2 ha en propre au sol peu profond (50-80cm), sur socle de roche rose fissurée. Ce climat peut souffrir de la sécheresse, mais cela s’est pourtant très bien passé sur 2018 et 2019. Cette vigne est située en haut de coteau, juste sous la forêt derrière le domaine.
    Là encore, on gagne en puissance et en profondeur, mais les tanins sont toujours soyeux et le fruit très présent. La finesse de la trame tannique est vraiment marquante et la pureté du jus force le respect. Grande longueur digne du terroir, c’est superbe.
  • Le Nuits-Saint-georges Clos Saint Marc, non dégusté, issu d’un sol sous lequel on trouve une couche d’huitres sédimentaires avant d’arriver sur la roche rose.
  • Chambolle-Musigny Les Cras 2017: issu d’une parcelle de 0,5 ha âgée de 40 ans située au dessus des Fuées, à côté de Bonnes-Mares. Elle a été remise en état en 1945 et donc non classée en 1936. La parcelle se situe au même niveau du coteau que Les Argilières, mais sans forêt au dessus. Les sols sont ici légers et calcaires, mais cependant plus argileux que sur Nuits-Saint-Georges. On se retrouve ici en face d’un vin très fin, plein de charme et d’élégance, au toucher de bouche très soyeux, pour tout dire très féminin. Très belle expression de Chambolle, à n’en pas douter au niveau d’un premier cru.
  • Bourgogne rouge 2018: la mise est récente, mais le vin est déjà accessible avec un profil mûr et gourmand, facile d’accès. C’est là encore un générique de qualité!
  • Nuits-Saint-Georges premier cru Les Terres Blanches 2018 (blanc): 1,3 ha (6000 bouteilles) sur un climat sablonneux au sol très léger et sec, avec peu d’argile. la parcelle, plantée de 90% de chardonnay et 10% de pinot blanc, donne naturellement des pH bas. Le vin semble déjà en place, avec une certaine suavité et des notes d’agrumes, de fleurs blanches, très agréables. Très certainement à attendre, mais déjà éminemment appréciable en l’état!
  • Côtes-de-Nuits La Muguette 2018: issu d’achat de raisins. Un vin gourmand et assez tannique en l’état, mais donc le potentiel ne fait pas de doutes. A revoir dans quelques années.

Au final, un domaine injustement méconnu en France au vu de la qualité et de l’homogénéité remarquables de la gamme proposée. Nous avons de plus été reçus très gentiment par Patrice qui n’a compté ni son temps ni ses explications pour nous faire partager la passion et la méticulosité avec lesquelles il mène son domaine. Un très beau moment de partage et de plaisir en compagnie d’un vigneron très humain qui est de plus totalement transparent sur son travail! Un grand merci à Patrice Rion.

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