Le domaine Mélanie Pfister à Dahlenheim

Mélanie Pfister appartient à cette jeune garde alsacienne dynamique et volontaire qui fait bouger les lignes. Titulaire d’un DNO obtenu à Dijon et d’un diplôme d’iingénieur agronome à Bordeaux, elle a repris le domaine familial à la suite de son père avec qui elle travaille encore il y a déjà 11 ans. Nous sommes ici dans la partie la plus septentrionale du vignoble alsacien, près de Strasbourg. La zone viticole est plus large que dans le reste des appellations alsaciennes, et aussi plus éloignée des Vosges. Les collines sont donc plus douces et le paysage différent, car la polyculture a encore cours (on voit notamment de nombreuses fruitières le long des routes) , même chez les Pfister qui en font encore un peu. Avant de revenir au domaine familial, Mélanie a effectué des stages notamment chez Zind-Humbrecht, Méo-Camuzet, Cheval Blanc, ou encore en Allemagne, où elle fréquente pas mal de vignerons.

Le domaine fait une dizaine d’hectares très morcelés: Mélanie dénombre pas moins de 40 parcelles!
Le grand cru du village est l’Engelberg, colline qui le domine, précisément sur son versant orienté plein sud. Les sols sont ici calcaires, avec diverses typologies amenant de subtiles différences dans les vins. Il existe d’ailleurs deux carrières de calcaire à Dahlenheim.

Travail à la vigne

Le père de Mélanie était déjà pionnier dans la conservation des sols: il a été le premier à semer des engrais verts et a d’ailleurs mis au point des prototypes novateurs de semoirs pour ce faire. Pour Mélanie, ceci participe d’ailleurs de l’agro-foresterie à petite échelle. Il est pour elle très important d’intégrer le domaine au mieux dans son environnement naturel. Pour aller plus loin dans cette vision, elle a choisi d’intégrer le label Fair’n’Green, plus connu outre-Rhin que par chez nous. Cette certification met plus l’accent sur l’intégration de ses membres au tissu environnemental, social et économique de leur région que le label bio classique. Le site du label vous permettra de le découvrir si le coeur vous en dit.

Mélanie et son père ne pratiquent quasiment pas le travail des sols, car ils privilégient le semis d’engrais verts, puis enfouissent l’herbe au rouleau à la belle saison afin d’éviter trop de concurrence avec la vigne, plutôt que de labourer. Ils travaillent tout de même sous le rang. les parcelles ont des densités comprises entre 4500 et 5000 pieds/hectare.
Mélanie constate beaucoup de pertes dues à l’esca ces dernières années, parfois jusqu’à 10% de certaines parcelles! Cela devient un vrai problème, car les replantations prennent énormément de temps.
Les vignes sont taillées en poussard, avec effeuillage à la chute des capuchons.

Les vins

Bulles:

  • Breit: crémant brut,l’appellation date de 1976. 50% chardonnay, complété par du pinot blanc et de l’auxerrois. Elevage en cuves, sans SO2 jusqu’au dégorgement. 24 mois de lattes. Le vin est très expressif, sur les fruits blancs, avec un très bon volume. Il y a du vin! Un très beau crémant qui peut en remontrer à pas mal de Champagnes.
  • Ritt: crémant brut rosé 100% pinot noir, sol de loess sur calcaire. Dosage faible. Le vin a du caractère, très typé pinot, là encore il y a du vin, on sent que ces deux bulles sont réellement travaillées, et pas issues de raisins de qualité inférieure comme dans pas mal de domaines.

Pinot noir:

  • Weg 2018: parcelle de pinot noir plantée en 1980, élevage 100% cuve, issu d’une massale quelque peu hétérogène selon Mélanie. C’est un vin de fruit très gourmand, simple mais pas simpliste!
  • Rahn 2015: pinot noir issu d’une parcelle plus jeune mais aussi plus contraignante, exposée est et bénéficiant donc d’un ensoleillement du matin. La maturation des raisins est plus lente. Elle est situés sur la même colline que le grand cru, seule l’exposition change. Elevage en fûts d’un vin et plus, provenance Méo-Camuzet. On passe ici un cap, le nez est plein d’élégance et de charme, floral, herbes séchées. La bouche est douce et caressante. C’est plein de finesse et d’élégance, je serais tenté de dire très féminin, le tout porté par une belle acidité. La bouche est tout de même encore un peu serrée, avec une finale d’une belle persistance sur les épices douces et le poivre. Quelques années de garde lui feront à n’en pas douter le plus grand bien, ce vin a de l’avenir.

Blancs:

  • Paar 2017: pinot blanc majoritaire complété par de l’auxerrois. Ce sont les plus vieilles vignes du domaine, plantées à la fin des années 60 par le grand père de Mélanie. Plusieurs parcelles marneuses aux sols plus profonds. La bouche est ronde et suave, là encore assez féminine. un beau vin d’apéro, bien sec, mais non dénué d’une certaine profondeur.
  • Kamm 2018: muscat ottonel, issu d’une parcelle sur éboulis calcaires plantée en 2000. C’est floral, avec des arôme muscatés qui s’expriment sans lourdeur sur un équilibre bien sec. Bel exercice de style sur un cépage souvent écœurant quand il est mal maîtrisé. Joli vin d’apéro ou de cuisine exotique.
  • Berg 2018: riesling issu de 2 parcelles exposées sud-est, vignes de 35 ans environ: Auf dem Berg et Silberberg. Le vin a du volume et une grande minéralité, le tout bien équilibré par une grosse acidité et une sensation légèrement tannique. C’est long et déjà très complexe en finale. Déjà vecteur de bien du plaisir! Il a de plus une belle persistance aromatique portée par son acidité tranchante, un vin d’avenir assurément: rien à envier au grand cru!
  • Engelberg GC Riesling 2016: Pour Mélanie, 2016 est un millésime plus classique que les deux suivants. Le sol est ici peu profond: 50 cm puis c’est la roche mère. On sent de suite la classe du terroir, avec un vin très minéral, vertical, et plein d’élégance. La persistance est déjà remarquable, sur des notes salines évidentes.
  • Mel 2017: Assemblage des 4 cépages nobles d’Alsace. L’idée, inspirée de Cheval Blanc dont l’assemblage varie tous les ans, est de faire chaque année un vin représentatif de son millésime. C’est réussi: le vin est immédiat, bien sec, doté déjà d’une belles persistance.
  • Furd 2017: pinot gris issu d’une parcelle du vallon de Furdenheim. Vin large, aromatique sans excès, sec (5g de SR imperceptibles), charpenté et gras, avec une bonne persistance aromatique là encore.
  • Silb 2017: pinot gris issu également d’une unique parcelle précoce, sur sol calcaire léger. Vin élevé en fût, très beau toucher de bouche soyeux, bien sec là encore, long et complexe, un superbe vin à l’avenir certain. J’aime beaucoup!
  • Lenz 2017: issu de calcaire qui lui confère de l’élégance et de la retenue. Un peu de SR (15g) pour un très joli gewurtztraminer, loin des stéréotypes exubérants et écoeurants que nous connaissons tous.
  • Engelberg GC Gewurztraminer 2013: le vin commence à évoluer et le terroir calcaire et minéral prend le dessus. cela commence à s’harmoniser et promet d’être très beau à l’avenir, même si ça se goûte déjà bien.
  • Dine 2015: Vendange tardive de gewurztraminer, parcelle de grès calcaire très pentue exposées ouest qui donne des vins très typés. Le vin est sur l’orange confite et les épices, le fumé. Très belle trame acide qui l’emmène très loin. Encore une très belle bouteille qui conclut remarquablement cette dégustation.

A travers cette visite au domaine, on voit que Mélanie Pfister est une jeune vigneronne pleine d’idées pour son domaine. Sa gamme permet de constater qu’elle s’orient vers des expressions pures de ses différents types de sols, que ce soient à travers des cuvées parcellaires ou des assemblages de parcelles présentant une unité de pédologie et d’exposition. Ses cuvées d’assemblage révèlent également une belle personnalité qui détonne dans une région où la tradition des cuvées mono-cépages a la vie dure. L’avenir est en tous cas assuré, et nul doute que nous entendrons de plus en plus parler d’elle dans les années à venir, ce qui est amplement mérité au vu du travail accompli et de la qualité de la gamme!

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