Le Domaine Agathe Bursin à Westhalten

Historique

Agathe Bursin est aux commandes d’un domaine familial ancien (19e siècle) historiquement en polyculture, comme beaucoup d’exploitations de l’époque. Ce sont ses arrière grand-parents qui ont choisi de se consacrer uniquement à la culture de la vigne. L’arrière grand-père d’Agathe est mort en 1939, et son arrière grand-mère s’est vue dans l’obligation de vendre son raisin car à l’époque, les femmes n’avaient pas le droit de vinifier. En 1956, elle a cependant pu enfin intégrer la coopérative du village de Westhalten.
Agathe s’est installée en 2006 sur la part du domaine familial que sa mère avait choisie de conserver sur 3ha, alors même qu’elle n’était pas viticultrice. L’avenir d’Agathe n’était donc pas tracé dès son enfance, mais elle reconnaît volontiers qu’elle a commencé très tôt à contracter le virus de la vigne, d’une part auprès de sa famille restée dans le milieu du vin, mais aussi à l’école maternelle où ses copains grandissaient tous dans ce milieu! Elle a d’ailleurs choisi de rester dans la grande maison familiale située dans le centre du village, où se trouvent également ses installations.
Agathe est œnologue de formation (diplômée à Dijon) mais a choisi de ne plus faire de conseil pour d’autres propriétés afin de se consacrer pleinement à son propre domaine. Elle est par ailleurs mariée à un viticulteur installé avec son frère, lui aussi en bio, avec qui elle collabore sur certaines cuvées, notamment une bulle. A noter que ce dernier domaine est constitué de terroirs semblables.

Le vignoble

Le village de Westhalten est situé géologiquement à l’intersection de 2 failles, l’une de calcaire et l’autre de grès rose, qui se coupent à angle droit et délimitent ainsi quatre collines constituant trois lieux-dits et un grand cru:

  • le Strangenberg
  • le Bollenberg
  • le Pfingstberg
  • le grand Cru Zinnkoepflé

L’intersection de ces 4 reliefs constitue un cirque de vignes.

Comme beaucoup de domaines alsaciens, celui d’Agathe est très morcelé, les 6 hectares actuels se composant de pas moins de 38 parcelles!

  • Le Bollenberg possède un sol calcaire constitué de gros blocs. Les vignes y ont été plantées il y a 72 ans. Le domaine a un seule grande parcelle sur ce lieu-dit
  • Le Dirstelberg est situé à la jonction entre Zinnkoepflé et Strangenberg. C’est un terroir de grès rose où les vignes sont âgées de 65 ans (plantées par le grand-père d’Agathe). Le domaine y exploite 4 parcelles
  • Le Zinnkoepflé (grand cru) présente quant à lui un sol de cailloutis calcaire avec des coquillages (muschelkalk) , dont les blocs sont bien plus effrités que ceux de Bollenberg. Agathe y possège 11 parcelles, dont 4 entièrement dédiées au riesling ( 2 poiur les secs, une pour les VT et une pour les SGN pour un total de 0,5 ha). Elles ont majoritairement été plantées en 1981.

Travail à la vigne

Malgré les dénivelés qui nous ont semblé importants, le vignoble est presque entièrement mécanisable grâce à de petits tracteurs vignerons à 4 roues motrices, même s’il faut faire très attention aux risques de retournement, ainsi qu’à l’humidité des sols après les pluies qui rendent les déplacements délicats.

Les densités de plantation sont variables suivant l’âge des vignes. Cela peut varier de 6000 (1,6x1m) à 7000 pieds par ha (1,4x1m). Actuellement, Agathe plante à 1,8x1m (5500 pieds/ha) afin de faciliter le passage des tracteurs.

Il n’y a pas de recette prédéfinie concernant la tenue des parcelles et des vignes, compte tenu de leur grande diversité tant en termes de déclivité que d’orientation et de pédologie. Elles sont parfois travaillées à 100%, ou bien partiellement ou totalement enherbées… D’une manière générale, Agathe favorise l’enherbement quand la pente est importante afin de limiter l’érosion des sols. Actuellement, elle réalise d’ailleurs des essais de semis avec notamment des pois ou de la vesse, afin de moins concurrencer la vigne tout en lui apportant les nutriments dont elle a besoin. Des analyses de sols sont réalisées une fois l’an afin d’apporter aux sols ce qui peut leur manquer, par le biais d’amendements organiques bien entendu. De la même manière, certaines parcelles sont enherbées un rang sur 2, avec alternance des rangs tous les 5 ans. L’herbe est généralement couchée l’été et non tondue, afin de préserver l’humidité lors des étés semi-continentaux de la région, de plus en plus secs avec le réchauffement climatique.

On voit donc que les parcelles doivent être travaillées à la carte, ce qui constitue une charge de travail importante!

Travail au chai

Les riesling sont pressurés en grappes entières, puis encuvés après 8h environ. Les fermentations et les élevages (6 à 8 mois sur lies) se déroulent alors en cuves inox pour préserver le CO2 afin d’éviter l’utilisation de doses de soufre trop importantes. On voit donc que les vins sont élevés de la même manière et que l’expression des terroirs et des millésimes est donc complètement transparente. De ce point de vue, Agathe nous a d’ailleurs confié que les 5 derniers millésimes sont assez similaires sur le secteur, avec des étés très chauds en raison du réchauffement de plus en plus présent.

Les vins

La dégustation s’est uniquement concentrée sur les riesling car c’étaient lors de notre passage les seuls vins disponibles en bouteilles, la demande étant forte sur les vins du domaine. Les différents vins et cépages sont mis en bouteille à des périodes différentes de l’année, et il convient donc de faire une demande annuelle afin de pouvoir bénéficier des différentes cuvées de cépages et/ou assemblage.

Les cuvées de riesling suivent donc les 3 lieux-dits du domaine. Nous les avons dégustées en parallèle chez Agathe afin de bien constater l’influence des lieux-dits sur les jus

  • Bollenberg 2018 offre un nez gourmand, très riesling. En bouche c’est bien traçant, avec une belle acidité, droit, très pur sur les agrumes (citron/pamplemousse), avec une touche miellée en finale. La minéralité est importante, reflétant bien en cela son terroir très calcaire.
  • Dirstelberg 2018 est plus large, avec une acidité plus enrobée et une belle rondeur, tout en gardant tout de même une bonne acidité et une longueur intéressante.
  • Zinnkoepflé GC 2018 enfin possède un toucher encore différent, avec une acidité marquée bien balancée par une matière importante. On trouve ici des notes d’herbes sèches, de tisane données par le Muschelkalk. La persistance est très importante.
  • Nous finissons enfin par un riesling Zinnkoepflé vendanges tardives 2017 d’une superbe pureté aromatique, un grand vin dont les sucres résiduels sont remarquablement ciselés par une superbe acidité qui l’emmène sur une interminable finale salivante.

Même si les vins sont encore très jeunes et méritent bien entendu quelques années de cave afin d’exprimer les caractéristiques habituelles de leur terroir, cette dégustation en parallèle des différents lieux-dits permet de mieux comprendre leur influence sur les vins et justifie pleinement l’approche choisie par Agathe!
Un très joli moment en la compagnie d’une grande vigneronne qui nous a reçus avec beaucoup de gentillesse, de simplicité et d’empathie, nous pardonnant bien volontiers notre méconnaissance des grands terroirs alsaciens!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.